Série : Les traces du passé

Les mariages

Cet article vient accompagner l’exposition photos « Pompaire et ses mariés des années 1880 à 1960 ».

Il est composé de témoignages de Pompairiens qui évoquent la préparation de la noce, le trajet de la maison au bourg, le cortège, le mariage civil et religieux, la sortie de l’église, les repas, les cadeaux et les coutumes locales…

Texte de Jean-Yves GALAIS  (Juin 2004)

Souvenirs d’Aliette Dénoue, née en 1911,

" J’avais 15 ans et j’étais invitée en tant que voisine, puisque les parents de la mariée habitaient à Chaumusson. Avant de partir vers le bourg, le garçon d’honneur a fait l’appel pour former le cortège. Il m’a  appelée, ainsi que mon cavalier Louis Charron, on était dans le cortège des jeunes.

On est allé à pied dans le bourg en chantant « le roi d’Espagne » et un refrain dont je me souviens : « y’a qu’un cheveu sur la tête à Mathieu, y a qu’une dent dans la mâchoire à Jean ». "

Souvenirs d’Aliette la mariée,

" Je suis partie de bonne heure de Chaumusson pour Bel Air, maison de mon futur mari Albert Marteau, où l’on devait m’habiller et me coiffer. Je me revois descendre l’escalier avec papa ( Emile Dénoue). C’est Monsieur Rossard, maire, qui nous a mariés puis on est allé à l’église.

Après la messe, on est allé , dans une voiture du cousin, se faire photographier au studio Châtelier, avenue de la gare à Parthenay. Puis nous sommes revenus à Bel Air pour le repas qui fut long et animé par de nombreux chanteurs. "

Souvenirs d’Odile, la mariée

" J’habitais à la Caquetière, village de Saint Martin du Fouilloux. Quelques jours avant le mariage, mes parents ont fait installer dans la cour de la ferme le parquet loué à monsieur Roger Caillon. Comme nous n’avions pas encore l’électricité, des cousins électriciens avaient branché le courant dans le village voisin de Saint-Chartre et l’avaient amené par des fils à travers champs. On nous a laissé l’électricité plusieurs jours et, quand elle est partie au lendemain de la noce, on avait le cafard.

C’est sous le parquet qu’ont eu lieu les repas. Dès neuf heures du matin, les invités sont arrivés en voiture à cheval, à bicyclette et à pied pour le déjeuner qui était principalement à base de cochonaille

La couturière est venue m’habiller dans la chambre. Puis on est parti en cortège, à pied dans le bourg pour le mariage dans la petite mairie, puis à l’église.         

En sortant de l’église,

... des enfants de chœur avaient placé un ruban à la porte. Je l’ai coupé, puis on a descendu les marches. Là, il y avait un autre barrage placé par des jeunes qui nous connaissaient, Michel et moi, et qui étaient à une journée de battage dans une ferme à côté. Ils avaient tendu une ficelle de lieuse entre deux chaises sur lesquelles ils avaient mis des épis. J’ai dû couper la ficelle et en passant, les gens mettaient de l’argent dans une assiette.On est allé prendre l’apéritif dans les deux cafés du bourg Métivier et Berger ; on s’est réparti, parce qu’on n’aurait pas pu tenir dans un seul bistrot.

Ensuite ce fut le retour à la Caquetière

En arrivant, nous avons eu une belle surprise : dans le champ de trèfle, que nous avons traversé comme à l’habitude, un feu de joie avait été dressé. Je l’ai allumé, les flammes ont crépité, tout le monde a fait la ronde et on a dansé.

On s’est retrouvé sous le parquet pour les repas, les chants, les histoires…Le repas a duré longtemps. Après, le cousin qui avait une traction, nous a emmenés nous faire photographier chez Châtelier à Parthenay.

Je me souviens qu’on a dansé beaucoup et que mes frères Bernard, Yvon, Paul ont chanté, sans presque s’arrêter, jusqu’au matin. Puis les jeunes nous ont fait lever en apportant la soupe à l’oignon. »

Souvenirs de Simone, la mariée

« Je suis venue à vélo, de mon village (la Pouponnière de la Chapelle-Bertrand) jusque dans le bas bourg de Pompaire. Je me suis habillée en mariée chez la couturière Elisabeth PIED (actuellement cabinet médical de Mme FLEURY)  qui était la tante et la marraine de Roger. La coiffeuse, Madeleine DAY, était également là. Roger, qui était du village de la Bertrandière, a pris son costume de marié dans la pièce du haut. 

Souvenirs de Roger, le marié

« Le cortège s’est formé devant la maison : en tête, la mariée donnant le bras à son père, Félix GUERIN, et j’étais à la queue avec ma mère Cécile TIERCELIN. Le cortège s’est dirigé vers la grand-route (aujourd’hui avenue de Lauzon), a fait le tour du pâté de maisons et a pris la direction de la mairie. La mère Clémence avait placé le ruban à couper entre deux chaises.

 On est entré à la mairie, puis à l’église. La messe était en première classe avec le tapis rouge tiré dans la nef, deux fauteuils placés dans le chœur et la présence d’une chorale.

 A la fin de la cérémonie, on a mangé le pain béni : c’étaient des gâteaux secs que des cousins de ma mère, Eugène et Marie-Louise PIED, avaient cuit la veille dans le four du bas bourg. »

 Simone

« Après la messe, nous sommes allés au Couvent, c’est-à-dire à l’Ecole Libre, pour saluer les sœurs. Il faut dire que j’y étais pensionnaire entre l’âge de 5 ans et 8 ans car j’habitais trop loin pour faire le chemin matin et soir. A l’époque, nous étions cinq filles à coucher dans l’école du lundi au samedi, surveillées par une sœur. Elles étaient trois : l’une enseignait dans la grande classe, l’autre dans la petite, et la troisième s’occupait de la cuisine et de l’église. 

Roger

« Les invités nous attendaient au Café OUVRARD où avait lieu la noce. Le déjeuner se déroulait à l’étage, on était très serré. On a ensuite dansé en bas, joué aux cartes et aux boules.

 La noce a fini au lever du jour. On est allé se coucher à la Pouponnière. Puis on nous a apporté la soupe à l’oignon. Les jeunes ont porté Simone, en faisant une chaise, pour la tournée des fermes voisines : aux Etangs chez Louis PIGNON, à la Touche-Ory chez René Bernard, à la Creuse chez Abel Pignon.

Quand on se mariait un mardi, la jeunesse accompagnait les mariés le lendemain à Parthenay, jour de foire. C’est ce qu’on a fait, on s’est promené dans les rues et on est allé dans les cafés. 

Simone

« Les cadeaux de mariage que nous avons reçus étaient utiles pour la maison. En voici quelques uns : de mon parrain, la ménagère complète ; de ma marraine, une nappe damassée rose et ses douze serviettes ; de mes tantes, six chaises de cuisine, un service complet de verres en cristal ; du domestique de ferme,une pelle à tarte en argent ; des voisines, une boîte de couteaux…

De son côté, Roger a reçu de ses patrons, une coiffeuse ; de sa marraine,sa sœur et sa tante, le service à vaisselle, à gâteaux et à café ; de son camarade de communion, un service à liqueurs ; mais il y a eu bien d’autres cadeaux… »

Souvenirs de Camille, le marié

« La noce a eu lieu à la Sutière. Deux jours avant, on a monté le parquet. A l’intérieur, on a tendu des draps, accroché des guirlandes de lierre, de houx, du gui et des fleurs en papier. Naturellement, les murs de la maison avaient été blanchis pour Pâques et, pour le mariage, les cours étaient nettoyées, les hangars rangés… on avait mis de l’ordre autour de la maison. 

Souvenirs de Monique, la mariée

« Il fallait aussi préparer à manger : on avait tué et plumé les volailles, apporté de notre ferme du Châtaigner des pâtés, rôtis, boudins, rillettes pour le repas du matin. La cuisinière avait beaucoup de travail et préparait tout sur la cuisinière à bois et dans la cheminée. Le four avait été allumé pour cuire les tartes et las gâteaux secs.

Le matin du mariage, Camille est venu me chercher tôt au Châtaigner avec la voiture familiale. Je me suis habillée à la Sutière pendant le casse-croûte du matin. Il y avait une soixantaine de personnes : les familles BACHARD de Saint-Martin et LOISEAU de la Crânée étaient venues en voiture à cheval, les plus jeunes à bicyclette ou à pied, quelques uns en auto. »

Camille

« Le cortège s’est mis en place : devant, la mariée aux bras de son beau-frère Marcel LOISEAU, les couples, j’étais à la fin avec ma mère Marie BILLON. Il faisait beau et on est parti à pied jusqu’au bourg. Les chevaux restaient à la Sutière, un voisin était invité pour les nourrir pendant la journée. »

Monique

« Le maire M. GOURBAULT et son secrétaire M. BRUNET nous attendaient à la mairie. Avant d’entrer à l’église, j’ai coupé le ruban tendu entre deux chaises décorées de bouquets et sur lesquelles étaient posées deux assiettes, l’une pour recevoir les pièces, l’autre pour prendre des pastilles de menthe. »

Camille

« Après la messe, nous sommes allés en voiture nous faire photographier  à Parthenay. Les invités sont allés boire dans les deux cafés du bourg . Tout le monde s’est retrouvé à la Sutière pour le déjeuner qui n’a commencé qu’à trois heures de l’après-midi. Le garçon d’honneur a chanté le premier, et puis a fait chanter les autres. Chacun chantait de mémoire et sans papier. De bons conteurs ont raconté des histoires ; plusieurs copains ont fait  les vêpres de la mariée. »

Monique

« A notre mariage, il y a eu une animation liée à une tradition. Quand on mariait la dernière de la famille comme c’était mon cas, on cassait la ponette, pot rempli de bonbons et surprises. La ponette était suspendue à une corde attachée à un brancard du rouleau. J’avais une gaule et je devais casser la ponette les yeux bandés… ça demandait du temps car quelqu’un tenait la corde à l’autre bout et la faisait bouger. C’était une bonne partie de rigolade pour les spectateurs !

Une autre coutume se pratiquait. Quand c’était le premier enfant de la famille qui se mariait, on accrochait une poignée de foin dans le dos du père et de la mère sans qu’ils s’en aperçoivent. Cela voulait dire qu’ils entamaient la barge, qu’ils commençaient à marier leurs enfants. Parfois, le petit fagot de foin était remplacé par une balayette.

Après le déjeuner, on a poussé les tables et on a dansé valses, polkas, tangos, javas et la raspa, danse nouvelle qui faisait fureur. Les plus anciens ont dansé l’avant-deux et des quadrilles.

Le souper a eu lieu après minuit. La noce a fini à la fin de la nuit car on attendait le jour pour attelerles chevaux. »

Les repas de mariages se déroulaient aussi dans les deux cafés du bourg. Jacques OUVRARD se souvient du grand branle-bas qui avait lieu à cette occasion dans la maison de ses parents :

« En général, les noces étaient le samedi...

... Un casse-croûte était prévu le matin pour les gens qui arrivaient de loin… ou de près. Ce casse-croûte, qu’on appelait parfois « le tue-verre », débutait vers neuf heures et était un véritable réconfortant. Il comprenait saucisson, beurre, pâté, rillettes, jambon, fromages, vin blanc et rouge à volonté, café gâteaux et rhum pour ceux qui en désiraient.

Après la messe, un vin d’honneur était servi. Il y avait ensuite un véritable repas de Pantagruel qui durait entre cinq et sept heures. Ce déjeuner avait lieu dans la chambre située à l’étage qu’il avait fallu déménager pour y installer tréteaux, tables et bancs. Quand la noce était importante, on louait un parquet qu’on installait dans le jardin. On devait traverser le chemin avec les plats, qu’il vente ou qu’il pleuve !

Vers une heure du matin, nouveau repas...

... un peu moins abondant que celui de l’après-midi mais encore très bien garni. La danse reprenait alors, souvent jusqu’au petit jour, afin de laisser les mariés partir par une porte dérobée. Ensuite c’était la dispersion d’une grande partie des invités… sauf pour les jeunes qui revenaient avec les mariés manger la soupe à l’oignon.

Pour ces noces, ma mère prenait beaucoup de personnel...

... D’abord, il fallait tuer et plumer poulets, poules, canards, pintades, pigeons,… suivant les menus demandés. Ensuite il fallait faire les gâteaux secs et les tartes. Les faire, c’était  beaucoup de travail mais la cuisson était un autre boulot qu’il ne fallait surtout pas manquer. Il fallait chauffer le four à point. Un oncle de ma mère se chargeait de ce travail dans un ancien four à pain lui appartenant et proche de chez nous.

Ma mère prenait une cuisinière de Parthenay, madame Jossereau, avec une autre personne pour l’aider. La cuisinière arrivait le vendredi après-midi et ne repartait que le dimanche matin. Il y avait aussi les serveurs qui devaient monter les plats à l’étage, débarasser, faire la vaisselle, mettre le couvert. Dès que je fus assez grand, je m’occupais du pain et du vin : je remplaçais un serveur.

Sitôt les gens de la noce partis, nous descendions tables et bancs et remettions de l’ordre : le lendemain, c’était dimanche ! »

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