Série : Les traces du passé

Les gardes champêtres

« Garde champêtre : agent de la force publique, préposé à la garde des propriétés rurales, dans une commune », nous dit le dictionnaire.

Cet agent municipal assermenté, nommé par le Maire, qui devait être de bonne moralité, avait une fonction bien définie par une loi de 1791. Selon un arrêté du Ministère de l’Intérieur, «  il est chargé principalement de faire respecter les lois et règlements ayant trait à la police rurale et, de façon générale, d’exécuter les directives données par le Maire dans le cadre de ses pouvoirs de police. »

Verbaliser sans état d’âme

Il a l’obligation de verbaliser sans état d’âme dès qu’il constate un délit. Et ceux-ci sont multiples :

  • infractions concernant la chasse et la pêche, les poids et mesures, le tabac, les allumettes, les alcools, les alambics,
  • ivresse publique,
  • divagation d’animaux, pâturage sur terrain d’autrui, bris de clôture,
  • abandon sur un lieu public de matériel agricole pouvant servir d’armes ou d’outils à des malfaiteurs,
  • vagabondage, problèmes de bornage et de voisinage.

Les règlements  régissant foires et marchés sont aussi de sa compétence : vérification de l’état sanitaire des animaux,attribution des emplacements.

Tambour en bandoulière et baguettes à la main

Autant dire que ce personnage représentait l’autorité dans les communes, surtout lorsque,revêtu de son costume, coiffé de son képi, son tambour en bandoulière et ses baguettes à la main, il faisait un long roulement de tambour, suivi de trois très brefs et annonçait : 

  Avis à la population ! 

Qu’en était-il à Pompaire ?

Dans notre commune, rurale jusqu’en 1970, le rassemblement de la population avait lieu à l’occasion de la messe dominicale. C’est donc à la sortie de l’église que les gardes champêtres annonçaient leur « avis à la population », juchés sur la pierre de criée placée à gauche de l’entrée près du mur du presbytère.( On peut toujours voir cette pierre à l’arrière de l’église côté pelouse).

De tous temps, ils ont porté lettres et convocations en sillonnant la commune de long en large, si bien qu’ils avaient une parfaite connaissance des villages, des hameaux et de leurs habitants.

Les registres de délibérations des Conseils Municipaux de Pompaire et les recensements révèlent trois nominations de gardes champêtres en 1842, 1845 et 1882, mais il y en a eu bien d’autres en ce 19ème siècle et auparavant. 

Par contre, avec précision dans les dates, quatre gardes champêtres se sont succédés de 1917 à 1999.

Voici le texte de la délibération prise par le Conseil Municipal tel qu’il est écrit et orthographié dans le registre.

« L’an mil huit cent quarante deux le dix du moi de mars ; nous soussigné membre du conseil municipal de la commune de pompaire, canton et arondissement de parthenay département des Deux Sèvres Réunie extrais ordinairement au lieux ordinaire de leur séance sur la convocation du maire de la ditte commune en vertue de la lettre de monsieur le Sous-préfet de parthenay en datte du deux de se moi par lequel il à torise le maire de reunire le conseil municipal pour lui soumètre le choix que nous avons à faire du sieur Lucas jacque pour être garde champêtre de la Sus Ditte commune et à près à voir pris connaissance de la lettre de monsieur le Sous préfet, le consiel municipal a été tous dacort à se que le Sieur Lucas jacque agé de vingt neuf an demeurant au bourge de pompaire soit nommé garde champaitre de la ditte commune de pompaire.

Fait déliberé les jour et moi et an que dessus en présence de mésieus les membres du consiel municipal qui ont icis soussigné à près en navoire pris lecture sis sena y le Sieur Baudrie qui à declaré ne savoire signé »

Les registres communaux ne font pas état de nominations les années suivantes. Seule, une délibération est prise le 19 octobre 1867 « à l’effet de voter les impositions extraordinaires destinées à payer le salaire du garde champêtre pour 1868 ».

M. Lionnet exerce la profession de  maréchal-ferrand, mais est aussi sacristain et bedaud.

Date non précisée : Auguste SOULET, maçon au bourg.

L’arrêté de nomination nous informe que :

« Vu le décès du sieur Soulet Auguste, garde champêtre, survenu le 20 septembre 1917, le sieur Billon Gabriel Ernest Emmanuel, né à St Pardoux le 29 août 1896, réformé pour blessures de guerre ayant entraîné la perte de l’œil gauche,…est nommé garde champêtre ».

Il est ensuite certifié par le juge de Paix de Parthenay que« aujourd’hui 18 octobre 1917, le sieur Billon a prêté le serment prescrit par la Loi et qu’il a été dressé acte qui a été placé au rang des minutes du greffe ».

M. Billon cessera sa fonction de garde champêtre le 30 septembre 1926.

L’arrêté stipule que  « le sieur Brunet Charles Armand Victor, ouvrier agricole, âgé de 34 ans, réunit les aptitudes et qualités nécessaires pour les fonctions de garde champêtre ».

M.  Brunet prêtera serment le 7 octobre devant le greffier de la Justice de paix du canton de Parthenay.

A cette date, M. Brunet assure également les fonctions de secrétaire de mairie depuis 1919, fonctions qu’il gardera jusqu’au 31 mai 1962. Il sera garde champêtre jusqu’au 31 décembre 1955.

M. Brunet aura marqué la vie pompairienne pour avoir été 43 ans secrétaire de mairie et 29 ans garde-champêtre.

Charles Brunet, mutilé de guerre, avait des difficultés pour marcher. Il se déplaçait à bicyclette et, aussitôt le vélo posé, il prenait sa canne. On se souvient encore qu’après la messe du dimanche, il montait sur la pierre de criée et le silence se faisait. Il annonçait les avis de la mairie, les réunions, les horaires des données de pain auxquelles avaient droit les nécessiteux à l’occasion de la fête du 14 juillet. Pendant la guerre, il indiquait les horaires pour le retrait des tickets de rationnement ainsi que les jours et lieux de réquisition pour le bétail et le fourrage (foin, paille, topinambours).

Pendant 20 années, très exactement jusqu’au 30 octobre 1975, M. Gelé sera garde champêtre de notre commune. A l’heure de sa retraite, il évoquait ses débuts :

 « A l’époque, je faisais mes annonces surtout le dimanche après la messe. J’attendais que les gens sortent et se massent devant le portail de l’église pour la causette habituelle. Puis je montais sur la pierre le long du mur du presbytère et je donnais un grand coup de sifflet. Ainsi j’annonçais la venue du percepteur ou les objets trouvés sur le passage de marchands d’huile pour les cultivateurs qui faisaient échange d’huile d’oeillette ou de colza ».

Son fils Guy se souvient « du vélosolex qu’il utilisait pour porter les plis, les convocations du conseil municipal, les cartes grises….ainsi que pour inviter de vive voix  les habitants à l’occasion d’obsèques de l’un des leurs. Il ne disposait pas d’uniforme particulier, mais d’une plaquette en métal. »

Au cours de ses 20 années de service, il ne lui faudra pas moins de trois mobylettes et ce sont quelques 40 000 kilomètres qu’il aura parcouru sur les chemins de la commune.

En mars 1966, il entrera au service des Ponts et Chaussées comme cantonnier, fonction qu’il occupera jusqu’en décembre 1973.

A son départ à la retraite,M. Canis, maire, entouré de ses adjoints Mrs Rochais et Debenais et du conseil municipal, lui remettra le diplôme d’honneur de la Police Française.

Alors qu’il était mécano-soudeur aux Ateliers de la Chaînette à Parthenay, Mr  Gaudet, après avoir satisfait aux épreuves orales et écrites de l’examen, est nommé garde champêtre. Il reçoit alors un uniforme flambant neuf, identique à celui d’un agent de ville. Plus tard, la veste qui descendait jusqu’à mi-cuisses sera remplacée par un blouson dont le bas s’arrête à la taille. L’été, veste ou blouson laissait place à une chemisette blanche.

 

Garde champêtre à mi-temps

 Il exerçait ses fonctions de garde champêtre à mi-temps, principalement le matin. L’après-midi,  il assurait l’entretien du matériel communal ( soudures,réparations) et divers travaux ( tonte des pelouses, menuiserie,….).

« J’assurais la sécurité des enfants et des parents au carrefour de l’avenue de Lauzon et de la rue du Bailli Ayrault, à l’entrée des classes, à leur sortie et à l’ heure du déjeuner. Je n’hésitais pas à faire ralentir et à stopper automobiles et camions pour que les élèves traversent sans danger les passages cloutés. Je veillais aussi aux véhicules mal stationnés et qui gênaient la visibilité des parents à la sortie de la rue de l’école Louis Canis.

Chaque matin, j’étais au service de la mairie ; je portais les courriers à la sous-préfecture, à la trésorerie, à la mairie de Parthenay ; j’étais le commissionnaire : je faisais les courses indiquées sur le carnet de bons, les achats d’imprimerie ; je distribuais les documents, convocations aux réunions du conseil municipal, des lettres que je devais remettre en mains propres ; il m’arrivait de revenir plusieurs fois pour les donner au destinataire. Quand la personne n’était pas contente du courrier reçu, elle me faisait la mauvaise humeur, mais c’était mon travail ! »

Au début, Roger Gaudet se déplaçait avec sa mobylette personnelle sur le porte-bagages de laquelle il avait fixé une caisse en bois de sa fabrication destinée à recevoir plis et documents. Dans les années 85, la Commune achète une voiture 4L qu’elle met à sa disposition. D’autres tâches sont encore accomplies par le garde champêtre :

  • la pose des drapeaux tricolores lors des fêtes nationales,
  • le transport à la fourrière des animaux en divagation,
  • la transmission à la préfecture des résultats des votes des élections,
  • la gestion de la circulation lors d’évènements communaux ou d’accidents, …

Parfois l’activité de Roger Gaudet était moins gaie :

« Pour les sépultures hors commune, je mettais les scellés : je faisais fondre de la cire sur deux vices du cercueil et j’y plaçais le tampon Commune de Pompaire. Je contrôlais les scellés à l’arrivée d’un corps venant d’une autre commune. »

Les souvenirs se bousculent pêle-mêle :

« Suite à un arrêté préfectoral, l’été, les gens devaient couper leurs chardons ; si ce n’était pas fait, je devais leur demander de faire ce travail. »

Comme ses prédécesseurs, Roger Gaudet a entretenu de bonnes relations avec les maires et les secrétaires de mairie en place. Sa grande satisfaction était d’apporter un peu de présence et de nouvelles aux personnes seules ou âgées lorsqu’il leur portait une lettre ou le bulletin municipal.

Mais c’est dans le domaine de la sécurité routière que Roger s’est le plus impliqué, suivant des stages de formation et de secourisme.

C’est avec un pincement au cœur qu’il a veillé, le 30 juin 1999, un mois avant sa retraite, à la sortie des classes. En 24 ans de service, pas d’accident d’enfant circulant à pied ou à bicyclette dans ce carrefour dangereux à proximité de l’école ; de quoi mériter la médaille d’honneur de la police française qui lui avait été remise quatre ans plus tôt par le maire M. Paillat.

Bonne retraite, Au revoir, Monsieur GAUDET

Ce jour-là, Roger Gaudet avait les yeux remplis de larmes lorsque les élèves de l’école publique Louis Canis lui remirent, accompagné de leurs signatures, ce délicieux poème :

Merci Monsieur GAUDET

Pour nous aider à traverser

En toute sécurité

Sur les passages cloutés

Parfois vous nous grondez

Mais c’est pour nous protéger

Matin, midi et soir

Sur le chemin de l’école

Quand le ballon passe sur la route

Heureusement que vous êtes-là

Pour nous le redonner

Autrement, notre journée serait gâchée

Nous nous étions habitués

A votre tenue, à votre képi

Bientôt dès ce mercredi

Vous nous manquerez

Bonne retraite,

Au revoir, Monsieur GAUDET

Texte rédigé par Jean-Yves GALAIS (Novembre 2003)

Texte rédigé par Jean-Yves GALAIS (Novembre 2003)

Mes remerciements à Gérard FOURNIER, Camille et Michel BILLON, Micheline BRUNET, Guy GELE et Roger GAUDET pour leurs témoignages et leurs prêts de photos.

Mise à jour juin 2021 :

Lors des travaux d'aménagement du cœur du bourg en 2012, la pierre de criée fut déplacée de l'arrière de l'église côté pelouse (comme indiqué dans cet article) sur le parvis de l'église, à une dizaine de mètres de l'angle gauche de la façade où elle se trouvait à l'origine.

Jean-Yves GALAIS